La crise du Covid-19, un nouveau départ pour capitaliser sur l’Open Innovation
Points clefs
La crise du Covid-19 met en lumière l’importance et l’efficacité de la collaboration entre les entreprises pour innover face à des nouveaux défis.
Pérenniser cette logique d’innovation par la collaboration nécessite l’implémentation d’une politique d’Open Innovation à grande échelle, à une échelle systémique.
Le Corporate Venture (CVC) est un catalyseur pour implémenter une véritable politique d’Open Innovation et s’impose comme la solution à privilégier à moyen-long terme.
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Le caractère tout-à-fait inédit de la crise sanitaire a poussé les entreprises à collaborer. En effet, la menace aigüe et soudaine de la pandémie a conduit les entreprises, dans l’urgence, à se concentrer sur la création de valeur immédiate plutôt que la création de richesses. Pourquoi ? Pour sauver des vies. L’obligation de répondre à un besoin vital a été plus importante que celle de faire du CA ! C’est ainsi par exemple que Ford s’est associé à 3M, GE Healthcare et United Auto Workers pour produire en urgence des respirateurs et des masques à destination des hôpitaux américains. Et ces initiatives spontanées ne sont pas les seules. En France, selon Bain & Company, 45% des grandes entreprises ont lancé des initiatives citoyennes avec un partenaire startup.
Plus loin, la crise du Covid-19 a servi, pour certains, de « déclic » vis-à-vis de l’innovation par la collaboration. Si 95% des grandes entreprises affirment considérer les alliances comme « pertinentes voire déterminantes dans la reprise économique », la Covid-19 a toutefois mis en lumière la fragilité de certaines collaborations entre grands groupes et startups. En effet, depuis maintenant plus de 10 ans que Chesbrough a théorisé l’Open Innovation comme LE paradigme incontournable pour innover, nombreux sont les grands groupes qui ont multiplié les déclarations d’intentions, sans jamais pour autant passer le pas de l’implémentation. A tel point que certains entrepreneurs dénonçaient depuis un certain temps l’Open Innovation comme un prétexte pour les grands groupes à « l’innovation washing ».
Comment la crise du Covid-19 peut-elle servir de nouveau départ pour l’Open Innovation ?
La collaboration pour affronter la crise
Généralement, une crise est un contexte propice à la collaboration. Une crise pousse en effet les groupes à s’ouvrir aux initiatives de collaborations, que ce soit en débloquant de nouvelles initiatives avec des partenaires existants ou en s’alliant avec de nouveaux partenaires. A situation inédite, dispositions inédites : face à l’incertitude, nul se sait prédire le prochain business-as-usual et la première étape est de réfléchir à plusieurs. Pour faire face aux nouveaux défis posés par la crise, les appels à projets se sont multipliés à l’international, avec pour objectif de contourner l’inertie inhérente aux départements de R&D des grands groupes. C’est la caractéristique propre d’une jeune pousse que d’avoir l’agilité nécessaire pour s’adapter (voire pivoter) face à une nouvelle situation.
Cette logique s’applique notamment à des acteurs fortement impactés par la crise sanitaire. Le groupe Aéroports de Paris (ADP) a par exemple lancé le Safetravelchallenge en collaboration avec la région Île de France, et a reçu plus de 300 dossiers depuis une trentaine de pays. L’idée : sélectionner des dossiers parmi 3 catégories (prévention, détection, nouveaux services) et proposer aux 3 meilleures startups de tester leurs solutions à l’échelle de l’un des 24 aéroports internationaux du groupe. Ainsi, ADP source les meilleures options possibles pour pouvoir recommencer à accueillir un maximum passagers en toute sécurité.
Passer de la collaboration à l’Open Innovation
Cependant, la collaboration n’est qu’un aspect parmi d’autres de l’Open Innovation. En effet, l’Open Innovation doit être envisagée de manière « systémique », comme une logique appliquée à l’ensemble des processus d’innovation à l’échelle d’une entreprise et de son écosystème.
L’idée de Chesbrough, dans Open Innovation: The New Imperative for Creating and Profiting from Technology (2003), est simple : l’innovation est une condition nécessaire de survie au long terme d’une entreprise, et cette dernière ne sera jamais véritablement efficace si elle est opérée en vase clos, entre les 4 murs d’une même structure. Pour innover vraiment, et surtout rapidement, il faut créer des ponts à double-sens avec l’extérieur pour nourrir et se nourrir d’un écosystème complet d’innovation (universités, concurrents, startups, fournisseurs…).
Alors, en cette période de Covid-19, les collaborations et échanges entre entreprises (particulièrement startups-grands groupes) peuvent servir de point de départ à l’instauration d’un système pérenne d’Open Innovation. Un retour à la normale pré-Covid et ses frustrations n’est pas envisageable, voire serait dommageable à l’ensemble de l’écosystème.
Pour ce faire, plusieurs voies complémentaires permettent à une entreprise, si elles sont bien exécutées, de passer de la collaboration à l’Open Innovation.
En s’appuyant sur le framework de l’Innovation Frontier de Mckinsey, Byld a catégorisé ces options selon leur valeur ajoutée et leur potentiel de disruption.
- Des appels à projets, événements ou hackatons sur des thématiques spécifiques, avec en échange pour les vainqueurs, des ressources, du coaching ou des opportunités de test/déploiement.
- La création ou la collaboration avec des accélérateurs/incubateurs de startups.
- Une activité de Corporate Venture, c’est-à-dire la prise de participations minoritaires dans des startups dont l’activité est complémentaire et/ou corrélée à son cœur de métier.
- Des opérations de M&A.
Alors par où commencer ?
Le Corporate Venture, meilleur catalyseur de l’Open Innovation
Parmi les options d’une entreprise, le Corporate Venture est de plus en plus pratiqué. Selon nos données, 87% des sociétés du CAC 40 pratiquent désormais l’investissement en minoritaire, et selon Deloitte, 69% des fonds de CVC français déclarent effectuer des investissements dans une démarche de développement de l’Open Innovation. Le Corporate Venture permet en effet d’accélérer une démarche d’Open Innovation.
En effet, le Corporate Venture, en plus d’un objectif financier (comme tout fonds de VC), sert les objectifs stratégiques d’une entreprise. L’idée pour le corporate est de créer des synergies de long terme avec des acteurs émergents/en croissance de son industrie. Par exemple, 574 Invest, le fonds de la SNCF concentre ses investissements autour de la logistique, de la performance énergétique des transports et des services annexes aux voyages en train. C’est ainsi que le fonds a, par exemple, investi dans Ector, un service en gare et aéroports aux voyageurs d’éviter d’avoir à chercher où garer leur voiture en la confiant à un voiturier au dépose-minute, puis de la récupérer au même endroit à leur retour. Ce faisant, la SNCF ouvre son infrastructure à des nouveaux partenaires, qui en échange lui permettent de supprimer des points de frictions dans son parcours utilisateur ! Cette relation gagnant-gagnant s’inscrit donc bien dans un cadre d’Open .
De manière similaire, le fonds de Corporate Venture de CNP Assurances, Open CNP, est doté de €100 millions et a déjà investi dans une dizaine de projets. Tous ces projets s’inscrivent dans une stratégie d’investissement dans les secteurs connexes aux activités de CNP : fintech, assurtech, e-santé et services en B2B. En 2016, CNP a par exemple leadé la levée de fonds d’Alan, complémentaire santé 100% digitale. Ce faisant, CNP s’est octroyé une place de choix à la table d’un acteur qui bouscule les codes de l’assurance santé, s’est engagé à l’aider dans son développement, et en a également profité pour devenir son réassureur de référence.
Comment assurer une bonne exécution du Corporate Venture ?
Finalement, le Corporate Venture s’avère être la voie privilégiée pour capitaliser sur le renouveau probable des démarches d’Open Innovation. Par rapport à un incubateur ou un accélérateur propriétaire, le Corporate Venture est moins risqué et plus proche des objectifs stratégiques de l’entreprise.
Toutefois, le Corporate Venture est, encore plus que le capital-risque en général, une activité qui requiert une forte volonté politique au sein de l’entreprise. Cette activité nécessite aussi des compétences spécifiques pour atteindre les objectifs financiers et stratégiques du fonds. Afin de bien conduire une activité de Corporate Venture et d’en faire le fer de lance d’une politique d’Open Innovation, il faut à tout prix éviter la confusion avec l’activité de M&A. Les objectifs, les temporalités, les modalités ne sont pas les mêmes (on vous l’explique ici). Se lancer dans le Corporate Venture est donc une stratégie payante mais qui doit être bien structurée pour être efficace et s’inscrire dans le cadre de la stratégie du groupe.